HISTOIRE : Incendie de la chapelle

L'INCENDIE DE LA CHAPELLE - nuit du 12 au 3 octobre 1887

Détails de la recherche - Etude historique -  Rapport de Gendarmerie : Resitution / Reproduction

Dans la continuité des travaux travaux du relevé archéologique de décembre 2007, j'ai retrouvé Laurent Lepresle autour d'un café à Sancerre. Il m'a proposé de le rejoindre pour me partager diverses informations qu'il venait de retrouver en rangeant ses notes et en les organisant sous forme de fiches. Comme quoi, ce projet relance des motivations endormies!!!


Et cela valait le coup !!!
Nous savions depuis quelques mois que la chapelle avait brûlé. Hier, je montrai les éléments marqués par le feu (tuiles, carrelage, bois carbonisé), retrouvés dans le sol de la chapelle. Il y avait notamment un bout de carrelage en terre cuite, carré, épais d'1,5 cm environ.
Laurent me faisait la remarque que les carrelages du XIVème siècle qu'il avait pu observer par ailleurs étaient plus épais (comme le fragment conservé sur la cheminée). Je me faisais la remarque que ceux de la partie habitation (XIX - XXème siècle) sont plus fin (1 cm environ).
Donc, la conclusion logique semblait que le carrelage retrouvé dans la chapelle correspond à une période intermédiaire.

Et ce matin, bingo, Laurent m'a fait part d'un extrait de rapport de gendarmerie portant sur "l'incendie de la grande des Aubelles dans la nuit du 12 au 13 octobre 1887". (source : AD du Cher - 25 M 70). On pourrait être surpris que la chapelle soit désignée comme grange, mais,
de fait, c'était bel et bien sa fonction, là où le reste des bâtiments étaient des greniers et des étables. Eventuellement, on pourrait penser qu'il s'agit de la grange voisine, hors de l'enceinte, mais la lecture du rapport devrait rapidement et clairement confirmer notre impression.

En effet, tout s'explique logiquement grâce à cette information :
- le carrelage observé correspond à une période cohérente avec cette date,
- les marques d'incendie observables par l'ouverture du haut, sur le mur de la chapelle, indique une aérodynamique de type "cheminée ouverte directement sur l'extérieur", ce qui est cohérent avec le fait qu'il n'existait plus de bâtiment à côté, comme le figure le cadastre, et que
les flammes sortaient directement,

- Buhot de Kerser a fait, à notre connaissance, deux études sur le site, une avant 1887 (1875 ou 1885, je ne sais plus), et une après (1895). 

    - Dans la première étude, il mentionne la présence d'une cheminée sur le mur nord de la chapelle, et parle de peinture qu'il reproduit rapidement. De ces éléments, nous ne trouvons de trace nulle part. Or, si le plancher de la chapelle est appuyé, sur le mur sud, sur les
anciens corbeaux (pierres de soutènement des poutres), au nord, il repose sur un mur construit en sur-épaisseur contre le mur d'origine, ce qui peut s'observer également dans l'épaisseur de la voûte de la porte.
Si ce mur de renfort a été reconstruit pour solidifier le mur dégradé restant et recevoir le plancher, il aura recouvert, en plus des fenêtres, la cheminée et les peintures observés par Buhot de Kersers lors de son premier passage. 

    - Lors de ce passage (date à vérifier), il croque aussi la chapelle, très soigneusement, même si le détail centimétrique de certains éléments reste perfectible. 

    - Une observation rapide de ce dessin fait apparaitre immédiatement que les montants de la grande baie, aujourd'hui coupée en biais par le toit, sont d'égale hauteur, même s'il manque déjà la partie supérieure. De plus, le mur à droite du montant de droite, bien que dejà
très dégradé, monte sensiblement plus haut que ce qu'on peut en observer aujourd'hui. Le toît, lui, passe derrière ce pan de mur, dans la même pente que celle que nous pouvons observer aujourd'hui. Le décalage de l'observation actuelle avec le travail soigné de Buhot de Kersers
s'explique par l'incendie, qui, en emportant le toit, a emporté cette partie du mur. Lors de la reconstruction qui s'est ensuivie, les ouvriers ont rectifié la ligne d'appui du toît et fini d'arraser ce pan de mur, pour conduire à ce qu'on peut observer aujourd'hui. La photo de
1892 fait apparaitre la façade telle qu'on peut l'observer aujourd'hui.
Ce qui par ailleurs souligne l'importance de l'activité aux Aubelles, car la reconstruction s'est faite très rapidement, puisque la session de travaux est déjà invisible en 1892, 5 ans après.

       - Une observation plus fine du croquis de Buhot de Kersers révèle un autre témoin des profonds changements entre son observation et la nôtre. Dans la partie haute du mur sud, celui auquel s'accolent les greniers, aujourd'hui, on peut observer deux corbeaux, alignés
horizontalement, environ 1 m. en dessous de la ligne du toît, sur la moitié gauche du mur. Le reste du mur, entre le dernier corbeau et l'angle d'où part le fragment d'arche, on peut observer une zone triangulaire (grand côté en appui sur le mur de façade de la chapelle, pointe près du corbeau de droite) présentant une importante différence de texture : le mur est plus gris, le jointoiement entre les blocs affleurant, présentant une surface quasiment lisse, là où le reste du
mur présente un creusement sensible entre les blocs. Cette observation trouve une correspondance sur la face intérieure du mur, dans le grenier. En effet, on peut observer, à intervalle (50 cm environ) et proportions régulières (100x10 cm environ), des renfoncements verticaux, rectangulaires et allongés, ce depuis le bord côté rempart jusque un plus plus loin que le milieu du mur. Sur son croquis, Buhot de Kersers fait apparaître non pas 2, mais 4 voire 5 corbeaux alignés horizontalement. Une fois encore, il y a eu un changement majeur entre
ces deux états, qui trouve une explication dans l'incendie. Le toît qui s'effondre à cause de l'incendie entraîne avec lui un pan de mur de forme triangulaire, correspondant à la différence de texture du mur. Ce qui se retrouve sans doute sur la face intérieure, effondrée elle
aussi avec le reste du mur. Ce qui permet de penser que les renfoncements verticaux couvraient également toute la largeur du mur et servaient bien à accueillir des éléments de charpente ou de plafond.

Au final, nous pensons avoir daté l'incendie dont nous avons observé les traces dans la chapelle. Cependant, il n'est pas impossible qu'il y ait eu d'autres incendie dans l'histoire des Aubelles. En effet, les carrelages retrouvés lors du travail de sauvegarde de l'arche sont d'une
épaisseur correspondant à celle des carrelages XIVème décrits par Laurent (3 voire 4 cm). Par ailleurs, l'organisation stratigraphique présentait des traces de tuiles et de mortier quasi immédiatement sous la couche végétalisée, alors que les fragments de carrelages épais, eux,
se trouvaient en profondeur (-70cm).

Un grand merci à Laurent pour sa contribution à la résolution du mystère : Buhot de Kersers n'avait pas "interprêté" quand il a fait ses croquis, nous sommes plus à même de nous représenter le mur dans son état ancien (préalable à l'incendie de 1887), et nous avons avancé dans la connaissance de l'histoire proche des Aubelles. Par ailleurs, nous savons maintenant que l'inscription "ABEL BONNET, 1900", aussi soignée soit elle, ne correspond pas aux travaux de reconstruction dans la suite immédiate de l'incendie. De même pour celle "Bonnet, 1896", déjà postérieure à la photo présentant la chapelle reconstruite dans sa configuration actuelle.

A suivre, notamment les photos des différents carrelages et des signatures.
Dans la suite de la conversation avec Laurent Lepresle, le 8 décembre 2007, aux Aubelles.

Gwenaël FAUCHER

vers le détail des éléments de l'enquête

© 2011 Gwenaël FAUCHER